Julie est une jeune créatrice basée en Angola, elle a créé la marque Shanouk. Elle a accepté de répondre à mes questions pour partager son expérience!
Petit Citron: Pourquoi as tu décidé de devenir créatrice? Quelle étude as tu suivies?
Julie : A vrai dire, je n’ai pas vraiment décidé d’ être créatrice, ça s’est en quelque sorte imposé à moi. Je suis née avec une paire de mains hyper-actives, il faut toujours qu’elles touchent à tout, bricolent un truc, dessinent…et quant elles s’arrêtent, c’est la tête qui prend le relais. Mes idées ne me laissant pas tranquille une minute, il a fallut qu’elles se concrétisent, et ce projet c’est ShanouK, les petites mains. De cette manière, je suis professionnellement libre de mes choix et j’aménage mon temps à peu près comme je le souhaite. Décider de ses propres contraintes, c’est ça le luxe !
Il est vrai que je démarre dans le domaine avec quelques atouts puisque j’ai fait des études en arts appliqués, c’est à dire de l’ étude de cas, de l’ histoire de l’Art, de la philosophie de l’Art, du design, de la communication visuelle, de l’expression plastique, etc…, de quoi avoir l’esprit bien fait ! Ce que j’en retiens surtout, c’est la manière d’envisager l’Art dans l’industrie, donc de réfléchir à la faisabilité et à la viabilité de l’objet en terme de production et de rentabilité. En gros, être capable de proposer des objet beau et de qualité, sans pour autant travailler à perte.
Professionnellement, je ne suis pas sûre que ce soit très intéressant, j’ai pas mal papillonné, travaillé pour voyager. J’ai fait un peu de tout, d’abord du conseil en aménagement d’espace, de l’assistanat en communication, de la production touristique, j’ai même été responsable logistique au Congo… En bonne autodidacte, je m’adapte à tout et partout !
A mon avis, c’est d’ailleurs l’ une des compétences essentielles du créatif, il doit être un minimum autodidacte, avoir la volonté d’en apprendre toujours plus et être autonome pour garder un maximum de liberté et « avoir plusieurs cordes à son arc »… Evidemment il doit lui falloir aussi un peu de talent, du moins je l’espère !
PC. Peux tu décrire ton métier?
Julie : C’est une question bien vaste ! Je ne suis qu’aux prémisses de l’aventure et déjà je me rends compte qu’ être créatrice, ce n’ai pas seulement penser une idée et la réaliser. Pour moi, ça ne représente finalement que la moitié de mon temps de travail, l’autre moitié, je la passe à faire les photos de ce que j’ai créer, à retoucher ou travailler des images que je trouve toujours imparfaites, à diffuser sur les différents et nombreux médias, et après la dimension ‘marketing’, il reste encore la partie commerciale et le développement de la marque.
De plus, la vie à Luanda étant relativement complexe et se faisant au jour le jour, je ne saurai expliquer pourquoi ou comment mais il y a constamment des impondérables. Ça peut être de rester bloquer dans un embouteillage pendant 3 heures pour une course qui prend 3 minutes, une démarche simplissime qui va vous prendre la journée, et j’en passe. Ce qui est certain, c’est que les journée de travail que je me prévois ne sont jamais aussi effectives qu’elles le devraient. Disons donc, qu’une journée idéale, je commence par traiter les commandes en cours, et s’il n’y a rien en attente, je vais pêcher une idées dans un de mes carnets débordants, je passe un long moment à marier les tissus et je me mets à ma machine pour plusieurs jours. Car en général, je me suis préparé bien plus de palette de colorées que je n’ai prévu d’objets à réaliser ; je retourne éplucher mes cahiers et retarde sans cesse le moment des photos et du post. Et puis sonne 17h et je revêts mon costume de maman.
PC. Où puises-tu ton inspiration?
Julie : Je ne saurais pas l’expliquer clairement, je me vois comme une sorte d’éponge qui absorberait tout ce qu’elle voit. J’ai voyagé et je vis en Afrique, j’aime l’Art, l’Artisanat, la diversité culturelle, les couleurs et surtout les motifs. De mon point de vue, il n’y en a jamais assez, le challenge étant d’étonner en réussissant à marier des tissus qu’on ne penserait pas pouvoir faire cohabiter et de les voir se révéler les uns les autres. En ça, je qualifierais mon style d’éclectique coloré décalé. Chaque collection est pensée comme un patchwork et offre un univers dans lequel on peut tous trouver quelque chose qui nous ressemble. A partir de là, je développe une gamme de produits et des modèles personnalisables sur demande. L’esprit d’une collection me permettant d’exposer l’étendue des possibilités que je suis capable de rendre à travers mes créations.
PC. Comment as tu appris à coudre?
Julie :Pour moi, la couture est le moyen de mettre en œuvre mes envies et de faire des objets qui s’inscrivent dans le quotidien, qui vont exister, avoir une histoire et embellir nos espaces de vie ; des objets qui vont apporter du contraste et de la gaieté, notamment aux bébés qu’on voit trop souvent à mon goût, avec du ton sur ton alors qu’ils ne perçoivent que tardivement les couleurs et sont plus sensibles aux contrastes et à la matière. Et puis, l’avantage de la couture, c’est que c’est transportable. Quant on voyage beaucoup, c’est bien pratique. Pas à la machine, mais à la main, on peut en faire partout et tout le temps. Personnellement, j’ai toujours été de la nuit mais avec deux enfants au sommeil plus que difficile et une poule en guise de compagnon, je suis désormais du jour. Disons que comme ça, je vois mieux ma palette de tissus qui est relativement bien fournie. D’une part, parce que j’aime avoir le choix, d’autre part, parce qu’il n’ai pas facile d’associer l’afro aux autres tissus sans tomber dans la répétition, alors je dois multiplier les possibilités en multipliant le nombre, l’évidence même ! Les wax, j’ai la chance de pouvoir les acheter ‘à la source’, au grand marché de Luanda, São Paulo. C’est un peu ma caverne d’Ali Baba à moi, 200m² d’étalage, au premier étage d’un bâtiment aveugle et vétuste, que même les locaux ne connaissent pas toujours. Généralement, j’achète à Ousmane, un adorable vendeur qui m’a laissé le prendre en photo sur son stand, exclusivement pour Petit Citron. Sinon, il m’arrive d’acheter en bas de chez moi, aux femmes qui passent dans la rue, la tête bien chargée. Pour ce qui est des liberty, pois, rayures, unis, je dois bien avouer que j’importe tout de France, mais j’ai récemment trouvé ici un commerce du nom d’Albuquerque, qui a quelques tissus sympas et de la mercerie, ce qui me sauvera sans doute à l’avenir, car attendre 6 mois, de rentrer se fournir en France, ça peut être frustrant !
Si par hasard, il y avait une lectrice de Petit Citron vivant en Angola qui souhaiterait découvrir ces endroits merveilleux et inespérés, ma porte est grande ouverte.
PC. Et pour finir, quels sont tes nouveaux projets? Peux tu nous en parler un peu plus?
Julie : Dans un premier temps, mon but est de pérenniser la marque sur Luanda pour pouvoir ensuite développer rapidement une gamme de produits disponibles depuis la France
Dans un deuxième temps, et ça ne restera peut-être qu’un doux rêve, je souhaiterai faire de ShanouK, les petites mains, une entreprise humaine qui n’ait pas pour seul but d’exister pour faire du profit mais qui travaillerait à l’insertion professionnelle. C’est là toute la problématique, réussir à exister durablement en faisant du beau et du bien !
PC. Si tu as un message à faire passer, n’hésite pas!
Julie: Un petit coup de gueule ! S’inspirer s’est bien, plagier et commercialiser sans même se donner la peine de retravailler un brin le patron, c’est mal !
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